Paroisse Sacré-Coeur en Val d'Eyrieux

  

  

 

Gluiras

 

 

L'église St Apollinaire de Gluiras

 

                Si, au dernier recensement, Gluiras dénombrait 397 habitants, il n’en était pas ainsi au début du siècle où la commune en comptait plus de 2500. Il faut dire qu’elle incluait alors le quartier du Ténébris annexé en 1908 par St Sauveur de Montagut  et le territoire actuel de la commune de Beauvène érigée en 1924. Malgré cela, force est de constater que Gluiras, comme tant d’autres villages, a subi pendant ce siècle l’attrait des vallées et l’exode rural. Autrefois situé sur la route du Cheylard à Privas par St Pierreville, il est maintenant bien à l’écart des voies de communication mais n’en reste pas moins un village accueillant.

                Depuis la Réforme, la population de Gluiras a toujours été en majorité protestante. Le vaste temple de l’Eglise Réformée se trouve à l’entrée du village en venant de St Sauveur. Aujourd’hui, les catholiques représentent environ un tiers de la population. Depuis plusieurs années, des rencontres oecuméniques réunissent plusieurs fois par an les deux communautés chrétiennes.

                L’église est dédiée à Saint Apollinaire, dont on peut voir la statue à gauche de la nef : fils et frère d’évêques, il fut lui-même évêque de Valence à la fin du 5ème siècle.

                L’église est bâtie sur un plan classique de croix latine. Elle a beaucoup souffert des guerres religieuses et a été maintes fois remaniée. On peut cependant supposer que sa belle abside romane a traversé sans trop de dommage les siècles.

                L’inscription " CET LA MAISON DE DIEU  1686 " au dessus de la porte pourrait bien indiquer la date d’une reconstruction ou d’un agrandissement de l’église, juste un an après la révocation de l’Edit de Nantes, sans doute pour accueillir l’arrivée massive de "nouveaux catholiques"  convertis de force par les dragons du Roi.

                La violence ne pouvant qu’engendrer la violence, les catholiques sont massacrés en 1704 et l’église incendiée. Elle fut sans doute restaurée peu de temps après. Après la Révolution, le presbytère ayant été vendu comme bien national, on transforma le bras sud du transept ( actuelle chapelle de St Joseph ) en logement pour le curé.

                Enfin, en 1944, l’église a été endommagée par un bombardement allemand. Malgré toutes ces vicissitudes, l’édifice présente tout de même une certaine unité de style et une belle allure.

                Le visiteur sera sans doute étonné de découvrir dans une si modeste église deux grandes et belles toiles du 19ème siècle : - Dans la chapelle de la Vierge, une "adoration des bergers" offerte à la paroisse en 1843 par le prince Théodore Galitzin, prince russe converti au catholicisme.

- Dans la chapelle de St Joseph, "les pèlerins d'Emmaüs" offert par l'empereur Napoléon III en 1864. Ces deux oeuvres d'art ont pu être restaurées en 1990 grâce à la générosité de deux amis néerlandais de Gluiras.

                On remarque dans le choeur une belle Vierge en châtaigner, le bois du pays, et, dans la nef, une belle statue de St François Régis, l'apôtre du Vivarais, mort à La Louvesc en 1640 et qui logea au château de Chervil en 1635 et passa certainement par le village de Gluiras pour se rendre à Privas.

                L'autel a été aménagé à partir d'un bénitier en pierre datant du 12ème siècle. Il provient  de l'église St Martin de Cols qui se trouvait à mi chemin entre St Sauveur et Gluiras, à l'emplacement actuel du cimetière de la Fargatte,  et qui a été détruite pendant les guerres de religion.

                A noter aussi que la paroisse de Gluiras s'enorgueillit d'avoir donné naissance à Jean-Joseph de Lavèze, né au quartier de la Marette en 1742, prêtre du diocèse de Viviers, mort martyr au couvent des Carmes à Paris le 3 septembre 1792, béatifié en 1926 par le pape Pie XI, avec 190 autres, évêques, prêtres et laïcs.

P.Frédéric SEILLER

 

Le bienheureux Jean-Joseph de Lavèze-Belay

 Le récent voyage-pèlerinage à Paris a permis aux participants de faire mémoire de ce martyr et de ses compagnons, innocentes victimes d'une des pages les plus sombres de notre histoire de France.

Jean-Joseph naît le 20 septembre 1742, à Gluiras, au quartier de la Marette, de Jean-Louis de Lavèze et de Marguerite BELAY. La paroisse de Gluiras garde précieusement une copie de son acte de baptême, signé de l'abbé FIGON, curé de St Apollinaire de Gluiras, le 22 septembre 1742. Il fait ses études à Valence puis entre en 1763 au Grand Séminaire de Viviers. Il est ordonné prêtre en juin 1767, et quitte le diocèse pour Nîmes où il est vicaire à la cathédrale. En 1774, il "monte" à Paris. Il y sera l'un des 23 aumôniers de l'Hôtel-Dieu.

Il se montre sans doute un prêtre digne et conscient de ses devoirs, mais aussi un peu trop attaché à sa promotion. Sa correspondance nous le montre soucieux des intérêts de sa famille et d'un parti avantageux pour lui.

Comment, de cette existence bien rangée, sans excès de zèle, attachée aux biens matériels, Dieu fera-t-il de la graine de martyr ? Rien ne lui est impossible. La Constitution civile du clergé et le serment exigé des prêtres sera le déclic qui va faire basculer l'ecclésiastique bien tranquille dans l'opposition à la loi, et le maintenir dans la fidélité à son Eglise.

Le 12 juillet 1790, l'Assemblée a voté la Constitution civile du clergé : curés et évêques seront désormais élus, ils deviennent fonctionnaires et doivent prêter serment de fidélité à la Nation. L'intention est claire : constituer une Eglise nationale, coupée de l'Eglise universelle et du Pape, successeur de Pierre. Après des mois d'avertissements et de menaces, le pape Pie VI condamne cette Constitution. C'est le schisme : le clergé de France se divise entre "jureurs", qui ont prêté le serment, et "réfractaires" qui s'y refusent. A partir du mois de mai 1792, la répression s'abat sur les prêtres "réfractaires". Ils sont passibles de déportation ou d'emprisonnement. L'hostilité des "patriotes" va croissant contre ces "fanatiques" en qui ils ne voient que des ennemis de la Révolution.

L'Ardèche joui dans ce domaine d'une modération relative. Pourtant Mgr DE SAVINE, évêque de Viviers, est l'un des rares évêques de France à avoir prêté le serment. Mais, loin de garder rancune aux prêtres qui ne l'ont pas suivi et le blâment ouvertement, il les estime :"Ils n'ont pas regardé, dit-il, du côté de la marmite". Il prend même à coeur de leur éviter le pire et use pour cela auprès des autorités d'un argument subtil. L'évêque, dit-il, a prêté le serment, et cela suffit, il représente le diocèse. Si quelques prêtres refusent de le faire, c'est une affaire entre lui et eux dont le gouvernement n'a pas à s'inquiéter...

Mais que se passe-t-il à Paris au début septembre 1792 ? Le 10 août, les sans-culottes ont pris les Tuileries et ont imposé la déchéance du Roi. Toutes les puissances européennes sont liguées contre la Révolution. Le 2 septembre, Verdun capitule devant les troupes prussiennes. L'ennemi marche sur la capitale. Dans Paris, l'affolement est à son comble. En fin d'après-midi, la Commune décide de faire sonner le tocsin pour enrôler 60000 volontaires pour faire face à l'envahisseur. Des rumeurs insensées courent alors dans la capitale : les traîtres enfermés dans les prisons, prêtres réfractaires et autres royalistes, comploteraient du fond de leur cachot contre la Révolution. MARAT et FRERON ont écrit des articles vengeurs appelant à l'exécution sommaire des prisonniers.

C'est alors une hystérie meurtrière qui se déchaîne dans la nuit du 2 au 3 septembre. Des bandes de massacreurs se forment et font le tour des prisons parisiennes. Au matin on compte déjà un millier de morts, mais la boucherie se poursuit toute la journée, jusqu'aux prostituées qu'on va égorger à la prison de la Salpêtrière, et à la princesse de Lamballe dont on promène la tête au bout d'une pique.

Beaucoup de prêtres réfractaires ont été incarcérés ou assignés à résidence, à la prison de l'Abbaye, à l'église des Carmes, au Séminaire St Firmin. C'est là que se trouve Jean-Joseph. C'est vers cinq heure et demie du matin que les tueurs arrivent à St Firmin et, sans même un simulacre de jugement, massacrent les 80 prêtres qui y sont rassemblés. Leurs corps sont jetés à la Seine.

Un autre prêtre du diocèse de Viviers, Jean-Antoine BOUCHARENC, a subi le même sort, quelques heures plus tôt, à l'église des Carmes, avec 113 autres ecclésiastiques. Quatre jour avant sa mort, il avait rédigé son testament : "Uni inséparablement à l'Eglise catholique, apostolique et romaine, c'est dans sa foi que je vis et je meurs, résolu de la confesser, moyennant la grâce de Jésus Christ, jusque sur l'échafaud".

Avec 189 autres martyrs, Jean-Antoine BOUCHARENC et Jean-Joseph DE LAVEZE ont été béatifiés par le pape Pie XI, le 17 octobre 1926. On célèbre leur mémoire le 2 septembre.

P.Frédéric SEILLER

Sources :             Conférence du père BREYSSE, Viviers, 1951
                        Chronique de la Révolution, Larousse, 1989

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